BULLETIN DE L’HÔPITAL LACOR – AUTOMNE 2019
Il y a soixante ans, quelques religieuses catholiques comboniennes créaient un petit hôpital au coeur du Nord de l’Ouganda. Aujourd’hui il est devenu l’un des plus grands centres médicaux sans but lucratif d’Afrique équatoriale. Savez-vous que soixante ans, c’est aussi l’espérance de vie moyenne en Ouganda? L’Hôpital Lacor a l’âge des sages hommes et femmes du pays, et s’assagit davantage avec le temps.
Sa longévité est un exploit dont nous sommes tous très fiers et qui nous rend à la fois plus conscients du défi de taille que doivent relever le Lacor et son personnel. Notre objectif est de continuer de bâtir sur les bases solides établies par les fondateurs de Lacor.
Chaque année, près de 250 000 personnes viennent à l’Hôpital pour retrouver la santé et l’espoir de vivre. Elles y viennent pour recevoir des traitements, accoucher ou subir une intervention chirurgicale qui leur permettra de continuer à travailler pour leurs enfants, la collectivité et le pays tout entier. La santé est synonyme de développement : Cela demeure vrai, aujourd’hui plus que jamais. Le Lacor soutient toutes ces possibilités, dans l’ombre, depuis soixante ans.
Ce numéro vous donne un aperçu de la vie intime de Lucille Teasdale et Piero Corti à la maison dans l’enceinte de l’Hôpital. Vous aurez également des nouvelles des plus récentes réalisations de l’Hôpital.
Joyeux anniversaire et longue vie à l’Hôpital Lacor!
L’équipe Teasdale-Corti
Lucille Teasdale et Piero Corti ont passé plus de trente-cinq ans à transformer l’Hôpital Lacor en l’établissement de santé incontournable qu’il est aujourd’hui. Pendant leur long passage en Ouganda, Lucille et Piero habitaient un pavillon datant des années 1950 qui abritait initialement les premières religieuses italiennes à travailler à Gulu. Après les décès de Lucille et de Piero, celui-ci a été légué à leur fille Dominique, qui y séjourne de trois à quatre fois par an. Elle sert également de « guest-house » pour les donateurs de Lacor et autres invités spéciaux.
Entourée d’arbres magnifiques, la maison compte deux parties. À l’époque, la plus grande était occupée par le couple Teasdale-Corti et l’autre, par Bruno Corrado et son épouse Valeria. Bruno était un médecin italien qui a également été directeur de l’Hôpital. La maison a deux entrées.
Vastes et lumineux, les murs intérieurs sont tapissés d’étagères complètes de polars anglais et de classiques italiens. À côté de l’une des étagères repose une énorme coquille, de la taille d’un porte-parapluie, remplie de lances de guerriers du Karamoja. Sur les murs sont accrochées des peintures africaines – surtout des scènes colorées de marche rapportées d’un voyage au Zaïre – et des trophées de chasse. Sous ces tableaux sont alignées de grosses douilles d’obus tirés par des chars lors des différentes guerres, comme celle de Tanzanie contre Idi Amin. Il fut un temps où le sol ougandais était jonché de ces douilles, que les religieuses locales récupéraient souvent comme vases à fleurs. Dans la maison Teasdale-Corti, ces douilles contiennent plusieurs cadeaux de patients : des flèches, des lances, des couteaux et des fourreaux.
La maison est très propre. Lorsque les Teasdale-Corti l’habitaient, trois serviteurs lavaient le plancher, faisaient la lessive et cuisinaient à tour de rôle. Le couple mangeait surtout des mets italiens. Les religieuses avaient appris au personnel à préparer des pâtes, du lapin et d’autres plats que la famille appréciait. Par ailleurs, il y avait toujours du sirop d’érable canadien, des flocons de maïs et du caramel Grenache sur la table au petit déjeuner.
Lucille n’a pas beaucoup cuisiné dans sa vie, ce qui la réjouissait. Elle n’a commencé à cuisiner qu’à 64 ans, lorsque sa maladie l’a forcée à rester chez elle. Elle s’est spécialisée dans la crème glacée au torrone (nougat italien) avec du sirop d’érable, ce qui l’amusait beaucoup.
Le hall d’entrée, comportant une grande baie vitrée et des rideaux colorés dans le style des années 1960, servait de salle de séjour – un espace où des collègues rejoignaient la famille pour écouter le service mondial de la BBC et se détendre après une longue journée de travail. Piero appréciait un whisky, tandis que Lucille préférait un Tom Collins. Cette partie de la maison avait été laissée ouverte sur l’extérieur, comme c’était de coutume dans la région, mais le couple Teasdale-Corti a finalement installé des fenêtres en verre, puisque les nombreux orages tropicaux et les vents violents menaçaient d’endommager l’intérieur.
Deux canapés longent le mur de gauche. Vu l’impossibilité de capter des émissions en câblodiffusion dans le Nord de l’Ouganda, on visionnait des cassettes vidéo sur le téléviseur posé sur les étagères à droite, à côté de sculptures en bois, d’une sculpture inuk, d’oeufs d’autruche, de coquillages et d’un Bouddha rapporté de Thaïlande. Des photos de famille encadrées sont disposées sur plusieurs surfaces dans la pièce. Les tables basses sont des pattes d’éléphant surhaussées. Un crucifix en ébène est accroché au mur. Cette collection disparate d’objets provenant du monde entier procure un sentiment d’appartenance.
La chambre de Dominique se trouvait tout à gauche. C’était une petite pièce avec de nombreux livres, dont ceux de la comtesse de Ségur et d’autres classiques : Tintin, Astérix et Anne Frank. Piero et Lucille aimaient également lire des romans, des essais et des revues catholiques ou médicales. Ils étaient abonnés à Time et au New England Journal of Medicine, ce qui leur permettait de suivre les derniers progrès de la médecine. Ils avaient également une chaîne stéréo, y compris un lecteur de CD. Lucille aimait beaucoup l’Adagio pour cordes et orgue d’Albinoni, Yves Montand et Édith Piaf. En fait, lorsque Lucille s’est cassé la jambe en 1994, elle s’est traînée dans la maison avec ses béquilles en chantant à voix haute : « Non, rien de rien. Non, je ne regrette rien… » Ce fut un moment d’optimisme et d’énergie qui définissait bien son caractère, tout comme l’esprit qui imprègne la maison encore aujourd’hui.
Au Lacor, 900 étudiantes chantent chaque matin leur engagement envers leur mission. « Je suis fière d’être infirmière » sont les premières paroles de leur hymne. Tenaces, déterminées, passionnées, elles étudient pour servir leurs compatriotes. Chaque matin aussi, 700 membres du personnel médical travaillent auprès des personnes les plus pauvres et vulnérables de la région de Gulu en Ouganda : femmes, enfants, personnes âgées, atteintes de maladies chroniques ou handicapées. Le dévouement des étudiantes et du personnel du Lacor traduit la raison de sa fondation et explique pourquoi il fonctionne toujours, jour après jour, soixante ans plus tard.
Passons des paroles aux actes : Près de 250 000 personnes ont bénéficié des services fournis par l’Hôpital Lacor et ses trois centres de santé périphériques au cours de l’exercice 2017-2018. La santé est un cadeau d’une valeur inestimable, car elle permet un avenir.
Comparativement à l’année dernière, davantage de femmes et de mères – près de 130 000 d’entre elles – ont fait confiance au personnel du Lacor. Grâce aux sages-femmes, aux infirmières et aux médecins, environ 8 500 bébés sont nés au département d’obstétrique de l’Hôpital et dans les trois centres de santé. Dans les salles d’opération du Lacor ont été réalisées près de 1 600 césariennes, un chiffre impressionnant. Bonne nouvelle : Le nombre de patients de moins de six ans a diminué par rapport à l’année dernière. Cela signifie que la lutte contre le paludisme porte ses fruits, en grande partie grâce à la décision des autorités gouvernementales de Gulu et des districts environnants de reprendre les pulvérisations d’insecticide dans les maisons.
Nous sommes très reconnaissants envers nos donateurs pour leur contribution continue. C’est grâce à votre soutien que le Lacor a pu poursuivre son excellent travail toutes ces années.